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Souvenirs familiaux
1 décembre 2020

La fin des années insouciantes

 

Après le départ de Louisette et Roger, mes parents décidèrent de vendre la villa de Blagnac et nous nous sommes installés à Toulouse , rue Lucien Lafforgue , dans le quartier Arnaud Bernard .

C'est dans cet appartement que nous avons vécu les moments les plus terribles de notre vie .

Au début ce fut très agréable comme tout ce que nous avions vécu jusqu'à présent .

Nous étions jeunes , heureux et insouciants .

Je venais d'être embauché comme ingénieur automaticien chez Airbus , qui s'appelait alors l'Aérospatiale .

Moi qui n'était diplômé que de l'université je me retrouvais , du jour au lendemain , avec une augmentation de salaire de 60% par rapport à mon poste d'assistant de l'université Paul Sabatier .

Nous en avons profité pour nous meubler . Nous avions acheté un living et un canapé d'angle avec des chauffeuses en velours marron chez Roche et Bobois et , chose fantastique pour l'époque une chaîne hi fi compacte avec un tuner , une platine tourne disques et deux énormes baffles qui faisait l'admiration de tous nos copains .

Avec Tina sur ses genoux , Marie Claire écoutait en boucle les cœurs d'opéras de Verdi , le concerto N° 21 de Mozart et le concerto pour violon de Beethoven .

Un premier souvenir de notre installation rue Lucien Lafforgue , la fuite de gaz .

Un matin , je crois me souvenir que c'était un samedi , nous fumes réveillés par une explosion énorme suivie d'un profond silence.

Nous sortîmes précipitamment du lit et foncèrent vers notre salon . Il n'y avait plus une vitre intacte dans l'appartement .

Et c'est seulement lorsque l'on s'est retrouvé dans la rue que l'on s'est aperçu du danger auquel on avait échappé .

A quelques mètres de notre appartement , sur le même côté de la rue , il y avait un énorme trou à la place d'une villa qui appartenait à un dentiste .

Depuis quelques jours Marie-Claire me répétait qu'elle sentait une odeur de gaz lorsque le soir nous promenions Tina . Moi , comme d'habitude , je ne sentais rien .

En fait , elle avait raison . Du gaz s'était accumulé dans une cave située sous la maison du dentiste et c'est probablement une étincelle qui a provoqué ce désastre . La maison s'était entièrement écroulée .

Heureusement lorsque l'explosion a eu lieu , le dentiste et sa famille étaient partis en week-end .

On a appris par la Dépèche qu'une personne avait été retrouvée vivante sous les décombres .

Depuis cette époque on s'est toujours méfiés des odeurs bizarres dans notre voisinage .

On était très heureux dans cet appartement et , comme notre situation financière s'était bien améliorée , on a commencé à penser à agrandir notre famille .

Gérard et Madeleine Bongibault venaient tout juste de nous annoncer la naissance de leur fils , Bertrand , le premier enfant de la bande .

Peut-être que notre envie d'avoir un enfant a été trop forte mais au bout de quelques mois , le bébé se faisant attendre , nous nous sommes inquiétés .

Marie-Claire consulta son docteur de famille , puis une gynécologue qui , ne trouvant rien d'anormal , lui prescrivit une radiographie des ovaires .

Or , quelques jours après on apprit qu' elle était enceinte .

En quelques minutes , toutes nos angoisses étaient oubliées . Enfin , le bébé tant attendu allait arriver . On a commencé à organiser la maison , lit de bébé , baignoire , landau .

On ne pensait plus qu'à son arrivée . Les neufs mois passèrent très vite .

Marie-Claire continuait son travail au département de Génie électrique au milieu de sa troupe d'enseignants , de chercheurs et d'étudiants .

Moi , je m'éclatais au bureau d'études de l'Aérospatiale où l'on préparait le premier vol de l'A300 , le premier Airbus .

Il y eu cette année là , de nombreuses fêtes de famille .

Tout d'abord , la communion de Thierry à Lavaur avec les parents de Jeanine , les Gelet .

Je me souviens que Thierry avait eu comme cadeau un superbe vélo de course .

Cet été là , contrairement à nos habitudes nous ne sommes pas partis en Grèce mais nous avons passé les vacances d'été en famille à Pégomas , dans la nouvelle villa que mes parents venaient de faire construire .

C'est ma mère qui faisait la cuisine pour toute la famille . Il y avait Louisette , Roger , les parents de Roger , Thierry , Véronique , Marie-Claire , les parents de Marie-Claire et moi .

Et , comme si nous n'étions pas assez nombreux , mon père invitait souvent ses copains d'enfance les Lacroux qui habitaient aussi Pégomas , René , Emilia et leur fils Alain .

Cela faisait pas mal de travail pour ma mère mais elle était aux anges de voir toute sa famille réunie grâce à elle et heureuse .

Tous les matins , nous partions en voiture pour aller nous baigner à La Napoule et les après-midi nous faisions des ballades aux environ de Cannes , allant parfois vers Nice ou Menton . C'est cette année là que nous avons vu pour la première fois le spectacle des dauphins dressés au Marine-land d'Antibes .

En octobre , je me souviens d'une randonnée dans les Pyrénés avec les Bongibault et Marie-Claire dont le ventre commençait à s'arrondir .

C'est aussi ce mois là que Tina mis au monde , trois petits Pinschers , le premier noir et marron comme elle , le second blanc et noir et le troisième tout blanc avec un œil noir .

Puis, le 14 octobre ,il y eu le mariage d'Eliane et Serge avec toute la famille Mathieu au grand complet , ses parents , ses frères Alain et Bernard , sa sœur Roselyne et ses deux enfants Pascal et Marie .

Le repas eu lieu près du lac de Saint Féréol . Je me souviens que Marie-Claire ne pouvait pas boutonner son manteau mais elle était radieuse .

Je ne me souviens pas particulièrement du noël de cette année ni du réveillon de 1973 . Nous étions dans l'attente d'un événement qui allait pensaient-on changer notre vie , l'arrivée d'un premier bébé .

Tout était prêt , nous étions sereins .

Et un soir alors que j'éteignais la lumière de notre chambre , Marie-Claire m'annonça qu'elle venait de perdre les eaux .

Nous sortîmes rapidement du lit et quelques minutes plus tard nous étions dans la salle d'accouchement de la clinique du Berceau dans le quartier des Minimes .

Et là tout ce passa très rapidement .

Le docteur décida d'endormir Marie-Claire ce qui fait que lorsque on lui déposa le bébé sur le ventre elle était dans un demi sommeil et n'a pas pu le voir distinctement . Mais moi , j'ai compris qu'il se passait quelque chose d'anormal .

L'infirmière me dit qu'il commençait à se cyanoser et qu'il fallait l'emmener d'urgence à l'hôpital des enfants à Purpan . Et je me suis retrouvé seul au près de Marie-Claire endormie .

Je l'ai laissée à la clinique et suis allé à Purpan où là , dernière une vitre , j'ai vu notre petit Denis entouré d'une multitude de tubes et d'appareils . Un docteur m'a dit que son état était très grave , qu'ils allaient faire tout leur possible et que je devais rentrer chez moi .

Et c'est au milieu de la nuit que j'ai reçu un appel téléphonique d'un interne de Purpan qui sans trop de ménagement m'informa que Denis était décédé .

Il avait une malformation cardiaque , inversion entre l'artère et la veine . Je pense qu'aujourd'hui il aurait pu être opéré . En quelques minutes toute notre vie insouciante a basculé .

Marie Claire a appris la nouvelle à son réveil et elle a été obligée de rester dans la clinique pendant quelques jours en entendant matins et soirs et même au cœur de la nuit des cris d'enfants dans les chambres à côté de la sienne .

Puis il a fallu rentrer chez nous et reprendre une vie normale .

Je pense aujourd'hui que nous aurions dû consulter un psy car on ne s'en est jamais totalement remis Heureusement pour nous après quelques années de malheur nous avons eu la chance de voir arriver Rémi et Stéphanie . Mais , je suis certain que de ce jour , Denis est devenu notre ange gardien . Il nous a toujours protégé tout au long de notre vie et il nous a ressoudé chaque fois que le ménage aurait pu être en danger .

Les années qui ont suivi ne sont pas les meilleures et j'en garde peut-être par protection , un souvenir flou .

J'ai continué mon travail au bureau d'études de l'Aérospatiale , aujourd'hui Airbus mais sans entrain et avec l'idée de chercher un autre emploi .

Je n'avais plus envie de participer aux sorties extra professionnelles avec mes collègues de l'époque et j'ai d'ailleurs perdu le contact avec la plus part d'entre eux .

Marie-Claire a repris son travail au laboratoire de Génie Électrique où elle a été bien entourée par ses collègues et surtout son patron , le professeur Robert Lacoste qui a fait preuve de beaucoup d'humanité et d'amitié à son égard mais quelque chose s'était cassé .

Elle a continué à faire son travail consciencieusement mais je pense que dès ce jour , ses priorités dans la vie ont changé et le bonheur de sa famille est devenu sa principale préoccupation .

Le rapport avec nos amis a aussi changé.

Car presque tous nous annonçaient la naissance d'un garçon ou d'une fille . Nous étions bien sûr heureux pour eux mais nous avons commencé à refuser de participer à des soirées ou à des sorties .

Je me souviens particulièrement d'un soir où nous étions invités à souper chez un ancien collègue du LAAS , Jean Paul Vernhes . L'angoisse nous a envahi sur le trajet et nous sommes rentrés chez nous en donnant comme pauvre excuse , le lendemain , que nous nous étions perdus et que nous n'avions pas trouvé le chemin pour aller chez eux . Ils ne nous ont jamais plus invités . Je pense que nous étions profondément déprimés .

On avait beaucoup de mal à retrouver nos collègues et nos amis mais aussi notre famille .

C'est pour cette raison qu'au lieu d'aller directement à Cannes chez mes parents pour passer nos vacances d'été , nous avons décidé cette année là de faire un grand détour par Paris et les Alpes .

C'était la première fois que nous partions en voyage en France . Nous avions laissé Tina chez Papy et Mamie . C'était un voyage un peu particulier , nous étions bien loin de nos voyages à l'étranger .

Il fallait surtout avoir une activité différente et ne plus se retrouver face aux regards attristés de nos parents , amis et collègues .

Nous nous déplacions avec notre Peugeot et tous les soirs nous faisions halte dans des hôtels .

En une quinzaine de jours nous avons visité à toute vitesse , selon notre habitude , le château de Versailles , Le Louvre avec la Venus de Milo et la Joconde , Montmartre où Marie- Claire s'est fait prendre en portrait sur la place du Tertre , portrait que l'on a encore aujourd'hui dans un placard . Puis nous sommes allé visiter l'Hospice de Beaune où l'on a été émerveillé par le triptyque de Vander Weyden .

Nous avons continué notre voyage en passant par le lac de Genève et les Alpes où, après une soirée paisible dans un petit chalet près du col des Aravis , nous avons visité l'aiguille du midi à Chamonix pour finalement arriver à Pégomas où nous attendait toute notre famille , mes parents , Louisette , Roger , Sandrine , Thierry et Véronique .

Après quelques jours de plages nous avons rejoint Papi , Mamie , Eliane , Serge et Tina qui campaient à Luchon .

Les parents de Marie-Claire avaient acheté une belle caravane et louaient un emplacement dans le camping qui existe encore de nos jours sur la route de Super Bagnères.

Après ces vacances agréables mais un peu tristes nous reprîmes le travail , Marie-Claire au laboratoire de Génie Electrique , rue Camichel , moi au bureau d'études de l'Aérospatiale où je développais des lois de pilotage automatique du Concorde et du premier Airbus .

 

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